Qui sommes nous ?
La Casa est née de la volonté d’un collectif d’acteurs parisiens de soutien aux exilés de faire naître un projet d’hébergement pour les mineurs. Nous partions de la conviction que l’hébergement est un droit fondamental, et donc la première des aides à apporter, avec l’accès à l’alimentation.
Les associations membres de La Casa sont la Gamelle de Jaurès et Paris d’Exil, actives dans tous les domaines de l’aide aux exilé.e.s (besoins alimentaires, hébergement d’urgence, accompagnement juridique et social…). À ces personnes morales s’ajoutent des militants engagés de longue date auprès des mineurs exilés (officiellement appelés mineurs non-accompagnés, ou MNA).
A l’hiver 2019, alors que le précédent avait été particulièrement dur, nous avons décidé de tenter de créer un lieu pérenne pour l’hébergement des exilés les plus vulnérables contraints de vivre dans la rue.
Parmi elles, les mineurs en recours, à qui aucun hébergement, même d’urgence, n’est proposé.
Dans ce contexte, ceux-ci n’ont d’autre aide que celle apportée par les associations.
Pour l’hébergement, certaines associations, dont Paris d’Exil, ont organisé un réseau d’hébergement solidaire qui a permis environ 15 000 nuits d’hébergement pendant quatre ans. La Gamelle de Jaurès, de son côté, a financé à hauteur d’un tiers 632 nuits d’hôtel pour des mineurs exilés rien que pour l’année 2018/2019 (d’octobre à juin).
Avant de créer La Casa, nous avions expérimenté ces deux modes d’hébergement : l’hébergement d’urgence (coûteux) et l’hébergement solidaire (nécessitant la recherche permanente de nouveaux hébergeurs, dont le nombre reste fluctuant, et fatiguant pour les jeunes contraints de déménager sans cesse…) et nous sommes arrivés empiriquement à la conclusion que l’hébergement collectif est la solution qui convient le mieux à la plupart des jeunes et permet un accompagnement sur la durée ainsi qu’une meilleure socialisation. Les jeunes apprennent à vivre ensemble, gagnent en autonomie et entretiennent une relation avec nous qui n’est plus seulement fondée sur la bonne volonté de l’hôte et limitée à une durée courte.
C’est pourquoi il nous est apparu utile de fonder une association ad hoc, regroupant les forces vives volontaires du soutien aux mineurs exilés, en tentant de créer un nouveau modèle, à la fois non-concurrentiel et complémentaire des formes d’aide déjà existantes.
17 mars 2020, c’est le début du confinement et le constat de dizaines de jeunes à la rue. Alors que La Casa n’a pas encore trouvé de lieu, un don privé exceptionnel de 12 000 euros nous permet de mettre à l’hôtel pendant toute la durée du confinement, une quinzaine de jeunes, d’en assurer le ravitaillement et le suivi administratif et médical.
L’hébergement et le suivi de ces jeunes – groupe dont la composition fluctue au gré des décisions de prise en charge et de nouvelles entrées – se poursuit après le confinement dans des lieux habituellement ouverts au public mais inutilisés, des théâtres notamment.
Enfin, troisième temps de l’année 2020 pour la Casa, la location d’un puis de deux appartements en petite couronne pour héberger aujourd’hui 7 jeunes, auxquels s’ajoutent 5 jeunes en lieu de vie collectif en proche banlieue également.
C’est autour de ces expérimentations grandeur nature, avant même d’avoir un lieu définitif, que les équipes de La Casa se sont constituées, se sont formées, ont forgé les pratiques d’accompagnement des jeunes qui mettent les valeurs de l’association à l’épreuve du réel : autonomisation des personnes accompagnées, autogestion des lieux d’hébergement par les jeunes eux-mêmes, suivi individuel et attentionné de chaque jeune.
ILS SONT PLUSIEURS MILLIERS À ARRIVER CHAQUE ANNÉE,
ET BEAUCOUP NE SONT PAS PRIS EN CHARGE PAR LES AUTORITÉS.*
Appelés MNA, Mineurs Non-Accompagnés, par l’administration, ce sont des jeunes exilés, mineurs ou se prétendant l’être, qui sont sans tuteur légal sur le sol français.
Ils viennent majoritairement d’Afrique de l’Ouest, et pendant leur parcours, ils ont été exposés à de nombreuses violences. Leur arrivée en France, une destination généralement choisie par tous ceux venant de pays francophones, se fait la plupart du temps de manière brutale, sans grande compréhension préalable des enjeux.
Afin d’obtenir la protection de l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance), comme le prévoit la loi, ils doivent faire reconnaître leur minorité et leur isolement auprès des départements, responsables des mineurs non-accompagnés sur leur territoire.
Après une évaluation dont les modalités demeurent contestables et la qualité extrêmement variable selon les départements, quand elle ne semble pas directement dictée par des considérations politiques et financières, de nombreux jeunes sont décrétés majeurs par les départements, et remis dehors.
Ils ont alors la possibilité de saisir un juge des enfants pour être reconnus mineurs, mais ce recours dure plusieurs mois, et pendant ce temps, aucun dispositif d’hébergement ou de suivi n’est prévu pour eux : pour les départements, ils ne sont pas mineurs ; pour l’Etat, ils sont mineurs en vertu de leur date de naissance et ne peuvent donc entrer dans les dispositifs (déjà extrêmement restreints et saturés) réservés aux majeurs. Ces jeunes se retrouvent donc emprisonnés dans une zone grise, sans assistance ni possibilité d’hébergement.
A cet égard, la France a fait l’objet, en février 2023, d’une décision du Comité des Droits de l’ONU demandant à ce que le recours devienne suspensif, et notant que la France ne respectait la Convention Internationale des Droits de l’Enfants dont elle est signataire.
Cela fait suite à de nombreuses prises de position condamnant la politique française à l’égard des MNA, émanant notamment de l’ancien Défenseur des Droits Jacques Toubon comme de sa successeure, et de plusieurs condamnations de la France par la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme).
Tout passage par la vie à la rue, quelle qu’en soit la durée, a des effets destructeurs, parfois à long terme. Ce d’autant plus que cette expérience vient s’ajouter aux séquelles déjà laissées par la série des violences vécues durant le parcours, très souvent génératrices de traumatismes. La violence institutionnelle dont les jeunes sont les victimes au moment où ils pensent « être arrivés en lieu sûr », le « choc de désillusion » que cela produit, se greffent de manière très insidieuse à la dureté de leur condition initiale, c’est-à-dire : être sans soutien familial à leur jeune âge, dans un pays étranger. Tout ceci est évidemment source de souffrances psychiques sous lesquelles le jeune, perdant espoir, n’est plus en mesure d’agir dans le sens de son intérêt et notamment de sa prise en charge. Il n’est pas rare que les associations se trouvent, au moment d’aller annoncer à un jeune qu’elles tentent d’accompagner, sa convocation enfin obtenue chez le juge, dans l’impossibilité de le trouver. Le jeune a disparu, il n’est plus joignable car 6 mois à la rue auront causé le vol de ses affaires, qu’il aura fui ou… pire encore.
Pourtant, comme souligné dans le rapport de la mission bipartite de réflexion sur les mineurs non-accompagnés de 2018, “le Conseil national des Barreaux a indiqué que parmi l’ensemble des recours judiciaires examinés en 2016 et 2017 à Paris, un jugement sur deux avait infirmé l’évaluation initiale et ordonné une admission à l’ASE (jugements en première instance et en appel).”
Cela signifie bien que, dans au moins 1 cas sur 2, la décision initiale de la Mairie de Paris (via le SEMNA, le Secteur Educatif pour les MNA de l’ASE de Paris) a été contredite par la justice.
A La Casa, nous refusons cette logique de sélection et d’invisibilisation, et de considérer le passage à la rue comme inévitable.
De même nous refusons de partir des mêmes critères par lesquels les jeunes sont évalués : nous ne sélectionnons pas les jeunes en fonction de leur passé ou d’indices permettant de penser qu’une prise en charge est plus ou moins probable. De cela découle l’une des lignes de conduite éthique de La Casa.
* Il n’existe aucune statistique nationale sur le nombre de jeunes se présentant chaque année comme MNA et le taux de reconnaissance de minorité à l’issue de leur évaluation par département. La seule donné existante est le nombre de MNA pris en charge à une date donnée par l’Aide Sociale à l’Enfance (donc en cumul, et non année par année, les jeunes restant généralement pris en charge plusieurs années) : 13 008 à la fin de l’année 2016, contre 19 893 à la fin de l’année 2021. L’estimation du nombre d’arrivée est d’autant plus difficile que les jeunes peuvent être pris en charge directement après leur évaluation, avec un taux qui varie très fortement selon les départements, ou suite à une décision de justice. Néanmoins, les acteurs de terrain, parmi lesquels des ONG reconnues telles que MSF ou MDM, estiment qu’ils sont probablement plus de 10 000 à arriver en France chaque année, un nombre qui avait fortement baissé pendant la crise sanitaire et réaugmenterait depuis 2021.